Aidons la jeunesse… à attendre la retraite
Le récent rapport du député PS Christophe Sirugue[1] franchit une nouvelle étape vers la société de l’assistanat absolu (et de la paix perpétuelle sans doute) vers laquelle nous nous dirigeons depuis 35-40 ans. Pour la modique somme de 4 milliards d’euros (5,6% du déficit du budget[2] puisque c’est désormais ainsi que ces gens calculent), on offre la garantie à tout « ayant droit », le terme de citoyen étant ici dépassé, de disposer d’une allocation pérenne de ses 18 ans jusqu’à sa mort.
Guidée par un reliquat de charité chrétienne et d’idéologie paternaliste (une émission de J-L Bourdin est sur ce point particulièrement instructive[3]), la France n’est pas sans rappeler ces grands troupeaux de cétacés qui vont, sous la conduite d’un aîné devenu fou, se fracasser méthodiquement sur les rochers, et ce malgré quelques militants bienveillants qui ne lésinent pas sur les mouvements de zodiacs et les manœuvres audacieuses. Comme dit le proverbe : « les dieux aveuglent ceux qu’ils veulent perdre ». Mais faut-il mobiliser des dieux pour rendre idiots des imbéciles ?
Penser par allocations est devenu la façon de faire des classes dirigeantes, de gauche comme de droite. Interrogé sur le cas d’un chômeur de 56 ans, il y a un peu plus d’un an dans l’un de ses multiples come-backs, le président Hollande avait montré sa formidable science des règlements administratifs, déployant tout un enchevêtrement de stages, formations fictives, allocations et aides pour, selon sa propre expression, « aller jusqu’à la retraite ». Il semble que ce soit bien ça l’enjeu : « aller jusqu’à la retraite ». À aucun moment, l’ancien président du conseil général de Corrèze n’avait proposé, ni même envisagé, que ledit chômeur pût retrouver un emploi, changer de domaine ou de région, fonder une entreprise, avoir une idée, devenir riche et employer alors d’autres chômeurs. Tout au contraire lui paraissait-il naturel de concevoir ces dix ans comme une longue suite d’expédients avant de recevoir, enfin, le versement régulier d’une allocation de retraite ; l’inactivité ne pouvait être précédée que par l’inaction.
Il n’en va pas différemment de Monsieur Sirugue qui comble enfin ce « trou » des 18-25 ans, pièce manquante de la protection intégrale. Voilà quatre ans qu’on gruge le budget en rognant les budgets d’investissement au profit des dépenses courantes. Les derniers mois qui ont vu successivement des distributions envers les fonctionnaires, les agriculteurs et tout ce qui pouvait toucher de près ou de loin les intérêts électoraux de monsieur Hollande sont éloquents. Que penserait-on d’un industriel qui repousserait la modernisation d’une usine pour pouvoir se payer séminaires aux Antilles, voiture et appartement de fonction ?
Mais le bon cœur a ses raisons que la raison ignore. Que répondre à des arguments péremptoires à visée dirimante tels que : « Un pays incapable d'accueillir sa jeunesse est un pays en train de mourir » ou « l’accès des jeunes aux minima sociaux doit donc être assuré »[4]. Dans un esprit similaire, le Pape qui veut que les Européens accueillent davantage de migrants, commence par ramener douze syriens au Vatican, comptant que le reste suive. C’est la force de la politique du symbole, c’en est aussi la limite ; sa mise en œuvre est facile, mais elle ne résout rien.
À toutes ces bonnes âmes, je conseille la visite d’une cuisine d’un grand restaurant. Ils y verront une jeunesse active, parlant peu le français et disposant rarement d’un titre de séjour. Et sur les chantiers de construction, ils verront de jeunes Européens venus construire ou démolir chez nous. Au nom de quoi les jeunes Français seraient-ils par nature incapables d’occuper ces emplois ? Qu’ils aillent donc ces philanthropes de profession se promener ailleurs, aux Etats-Unis, en Angleterre (qui, soit dit en passant, nous est passé devant il y a 18 mois) ou au Japon ? Qu’ils y cherchent ces multiples allocations (une dizaine), qu’ils y trouvent les traces de cette civilisation de l’assistanat dont nous sommes si fiers (il suffit de lire cette phrase : « leur [les minima sociaux] développement depuis la seconde guerre mondiale est le signe que la France a su se doter d’un système de solidarité ambitieux »[5]).
Par ses ponctions énormes, l’assistanat corrode l’économie, il détruit méthodiquement les capacités d’innovation de l’état et assèche les finances des citoyens et des entreprises. Tout en prenant continuellement plus pour distribuer (et se payer lui-même), l’État en fait toujours moins et moins bien.
Etrange institution devenue folle, qui continue de distribuer de la soupe à ceux qu’elle contribue à affamer.
[1] http://www.gouvernement.fr/partage/6952-remise-du-rapport-de-christophe-sirugue-repenser-les-minima-sociaux-vers-une-couverture-socle
[2] 70,5 milliards d'euros tout de même, soit 3.8% du PIB.
[3] http://rmc.bfmtv.com/emission/rsa-pour-les-18-25-ans-un-pays-incapable-d-accueillir-sa-jeunesse-est-un-pays-en-train-de-mourir-967947.html
[4] http://www.gouvernement.fr/partage/6952-remise-du-rapport-de-christophe-sirugue-repenser-les-minima-sociaux-vers-une-couverture-socle
[5] Ibidem