Au hasard de la lâcheté

Publié le

Au hasard de la lâcheté

Annoncée, puis prestement retirée, la mesure avortée de la sélection des étudiants de médecine par tirage au sort[1], n’en est pas moins révélatrice d’un mal qui ronge aujourd'hui l’Université.

De quoi s’agit-il exactement ? Du fait que ces études, très sélectives, ne font l’objet d’aucun filtre à l’entrée ; tout bachelier peut en effet s’y inscrire, ce qui crée mécaniquement des classes pléthoriques en première année et engendre par ailleurs un facteur aggravant : l’afflux d’étudiants rendant le suivi des cours difficile, beaucoup d’entre eux sont poussés à suivre des cours (privés et chers) en parallèle, ce qui constitue finalement une sélection par l’argent. Comme souvent la démagogie (refus des notes, refus de la sélection, refus du mérite) ne sert pas le peuple, mais l’oligarchie ou sa variante actuelle, la ploutocratie.

Le passage direct du Bac à l’Université a été conçu dans un monde et à moment où l’examen était sélectif, et surtout où il ne concernait qu’une très faible partie de la population, que ce soit en France ou dans les autres pays d’Europe. Entrer à l’Université, c’était quasiment sortir diplômé, comme c’est le cas aujourd’hui pour les Grandes Écoles. Il suffit de voir dans les romans du XIXe siècle à quel point le personnage de l’étudiant jouit d’une certaine considération, quand bien même il est pauvre, car on voit en lui un futur membre de la classe dirigeante. Et cela s’est poursuivi jusqu’à la massification d’il y a une quarantaine d’années. Au fil des années, tout a changé (pourcentage de la population arrivant au bac, qualité du bac, population nationale…), sans que changent ni l’organisation, ni l’administration qui ne s’est modernisée qu’en surface. L’application des mêmes recettes à une situation radicalement différente crée alors des dysfonctionnements inouïs. Chaque année, il y a environ un millier d’étudiants « en trop » dans les amphithéâtres de la faculté de médecine.

Traiter le problème sur le fond, c’est-à-dire prendre en compte les données réelles de la démographie et mettre en place un concours d’entrée simple comme il y en a dans les écoles d’ingénieurs et les écoles de commerce « post-bac », demande un peu de travail, un peu d’organisation et surtout un peu de courage. Mais le courage est décidément une denrée rare et même introuvable au ministère de l’Éducation, le mal nommé. Recourir au tirage au sort c’est lâche, c’est odieusement injuste, c’est parfaitement démagogique. Il est heureux que cette idée absurde, surgie du crâne d’un des « hiérarques de l’Ednat », ait été abandonnée à peine eut-elle été proférée[2]. Cela dit, le problème reste entier…

Prendre en compte les changements du monde (géographie, démographie…) et conduire le peuple, sans rien lui cacher, à travers les embuches de réformes difficiles, n’est-ce pas le rôle fondamental du Politique ?

Publié dans Education-Société

Partager cet article

Repost0

Commenter cet article