Sinécures modernes

Publié le

Sinécures modernes

La récente palinodie concernant la nomination de M. Huchon, pour services rendus, au confortable poste de président de l’Arafer[1] a été un moment de pure délectation ; souhaitons qu’elle soit également prétexte à réflexion !

Permettre à M. Bartolone de se faire battre à plate-couture pour la présidence de la région Ile-de-France, l’obligeant d’abord à démissionner de la présidence de l’Assemblée nationale puis, après avoir respecté un délai de décence tout à fait minimal, à quémander auprès de ses collègues la permission de regagner la tranquillité de son perchoir, cela méritait bien un cadeau républicain digne de nos plus vieilles traditions (à défaut d’en être les plus respectables).

Que Jean-Paul Huchon, parce qu’il avait été administrateur de la SNCF, ne pût prétendre présider l’Arafer, clôt finalement de façon assez comique ce qui eût constitué un scandale républicain de plus. Il est d’ailleurs à parier que d’ici la fin de leur mandat, ou de ce qu’il en reste, le couple Hollande-Valls trouvera pour celui qui a successivement trahi Rocard et Strauss-Kahn, qui été condamné en 2004 pour prise illégale d'intérêts, et dont la gestion à la tête de la plus importante région française a été entachée d’un manque de rigueur certain, une place de convenance assortie d’un logement douillet dans le VIIe arrondissement, ainsi que d’une voiture de fonction. Pourtant, ce n’est pas l’écume qu’il faut regarder, fût-elle chargée d’immondices, mais les mouvements de fond.

Ces mouvements ce sont la prolifération métastasante des comités Théodule, haute autorité prétendue par-ci, organismes indépendant par-là, qui n’ont d’autres buts que de recaser les amis politiques aux dépends du budget de la Nation, c’est-à-dire du travail des Français.

Défenseur des droits, Hadopi, CSA, Arcep, Arafer… On peut les compter par dizaines. Et à chaque organisme, si petit soit-il et d’une utilité quasi nulle, il faut des bureaux, du personnel, des administrateurs, un logement de fonction pour le président (au minimum), une voiture de fonction livrée avec son chauffeur et peut être sa doublure, et même des gardes et protecteurs, au cas où il viendrait à Daesh l’idée de prendre pour cible des inconnus ou d’anciennes gloires en mal de se recaser. Au minimum, cela représente cinq à dix millions d’euros par an et par institution, mais cela peut aller bien au-delà.

En dehors de donner du travail à « ceux qui ne savent rien faire », pour reprendre l’expression proverbiale de M. Cambadelis, est-il permis de se demander si un simple service du ministère des transports ne pourrait pas régler son compte à l’Arafer ? Et ne pourrait-il en aller de même pour tous ces autres comités à connotation technique ? On ne ferait qu’entériner ce qui est déjà le fonctionnement actuel, puisque tous les dossiers sont déjà préparés par des technocrates ministériels. Quant aux autres organismes, ils ne valent même pas la peine qu’on en parle.

Les économies ainsi réalisées seraient de l’ordre du milliard d’euros par an. Il est facile de le vérifier, la plupart des budgets de ces organismes étant publics. Appliquer une telle mesure de sagesse serait effectivement plonger dans le malheur quelques hommes politiques de second plan comme M. Toubon (le « défenseur des droits » qui a montré en présidant précédemment la Cité de l’immigration, qu’il était vraiment prêt à tout, telles ces vieilles stars de la télévision qu’on retrouve déguisées en canard dans un spectacle de distraction ou costumées en paysan dans une émission de téléréalité) ou encore Jean-Louis Bianco, le chambellan taciturne de la Mitterrandie ; ce serait peut-être également s’attirer les remarques acerbes de Bruxelles, dont le libéralisme doctrinaire aime bien ces ectoplasmes soi-disant indépendants, tout en recommandant la rigueur budgétaire. Mais chacun sait que les ordres absurdes sont faits pour être interprétés et peut comprendre qu’il faut avoir une certaine distance avec Bruxelles, que l’Europe n’est ni un monstre ni un dieu auquel il faut rendre hommage et sacrifier 14 jeunes gens (7 filles et 7 garçons) par an, c’est simplement un ensemble de fonctionnaires détachés avec lesquels il faut aller négocier.

Mais tout cela la classe politique, de droite comme de gauche, préfère le taire et continuer à replacer méthodiquement ses protégés dans de coûteuses sinécures.

 

 

[1] http://www.lemonde.fr/politique/article/2016/05/12/jean-paul-huchon-voit-lui-echapper-la-tres-remuneratrice-direction-de-l-arafer_4918588_823448.html

Publié dans Economie

Partager cet article

Repost0

Commenter cet article