Référendum et démocratie

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Référendum et démocratie

Le résultat du récent referendum anglais a suscité de nombreux commentaires qui sont allés jusqu’à la remise en cause de la légitimité du processus lui-même. La revue anglaise le New Statesman décrivait dans son éditorial de fin mai ce que serait une Grande-Bretagne ayant abandonné la monarchie républicaine pour la république référendaire : la peine de mort y aurait été rétablie, les étrangers bannis à moins qu’ils ne soient riches ou très diplômés, et ainsi de suite sur deux paragraphes... En France, Daniel Cohn-Bendit[1] va plus loin encore dans son intervention sur France-Inter remettant en cause ce système démocratique.

Le referendum devient porte-voix des extrémismes, amplificateur des peurs, fédérateur des rancunes… Il devient accoucheur des pays « moisis » pour reprendre l’expression de BHL qui en affuble maintenant l’Angleterre. Le referendum est désormais l’outil démocratique fossoyeur de la démocratie, instaurant la dictature d’une majorité composite contre les opinions humanistes, innovantes, rationnelles ; en un mot l’asservissement des bons par les méchants.

C’est oublier un peu vite nos voisins suisses, où cet outil a permis de créer une démocratie stable et pacifique, et faire peu de cas de nos amis italiens qui y recourent très souvent, en particulier à chaque fois qu’un débat risque de déchirer le corps social.

Mais quelles sont les règles à suivre pour que le referendum ait un véritable sens et qu’il évite de donner dans les dérives de son odieux cousin, le plébiscite, qui nous a laissé un souvenir bien amer (on se souvient de Napoléon III) ?

  • En premier lieu, la base électorale consultée et la décision doivent être cohérentes. C’est précisément ce qui n’a pas été respecté pour "l’Ayrault-port" où pour un projet de financement régional, national voire européen, un seul département a pu voter. Quand il s’agira de payer les dépassements, et surtout le démantèlement de cette infrastructure viciée, mal pensée et économiquement mort-née, on verra bien si ce sont les habitants dudit département qui passeront à la caisse.
  • En second lieu, il faut que le débat porte sur une alternative claire et qu’en aucun cas il ne puisse donner place à une alliance du tous contre un seul. À ce titre, on ne peut rien reprocher au Brexit. Dedans ou dehors, c’est une question claire. Il faut être de la plus extrême rigueur sur ce point. « Êtes-vous pour ou contre tel homme » n’est pas un sujet de referendum, mais de plébiscite. « Êtes-vous pour ou contre la Finance », pour que ce soit les riches qui payent (ou les blonds, ou toute minorité) n’est pas un sujet non plus.

Enfin, il faut se garder de demander tout et n’importe quoi au peuple. Un gouvernement qui lui demanderait de trancher les débats sur lesquels doit précisément s’exercer son activité de gouvernement n’aurait aucun sens. Il finirait précisément par instaurer un état tel que le décrit l’éditorial du New Statesman. Êtes-vous pour ou contre l’armée ? les impôts ? la peine de mort ? travailler moins pour gagner plus ? Rien de tout cela ne peut faire l’objet de procédure référendaire. En fait, il n’y a que deux types de sujets qui conviennent : les débats de société et les modifications du fonctionnement de notre démocratie (en particulier de la Constitution). Dans ces deux cas, le referendum est non seulement plus efficace (il nous éviterait en particulier les guerres picrocholines que nous subissons régulièrement), mais aussi plus légitime (les débats de société sont souvent tranchés par une poignée de parlementaire et une escouade de lobbyistes) ; clairement, il serait également plus juste.

Respectant ses principes une république référendaire gagnerait en efficacité, en fluidité et en bien-être.

 


[1] http://www.lefigaro.fr/politique/le-scan/citations/2016/07/05/25002-20160705ARTFIG00106-cohn-bendit-il-faut-arreter-de-dire-que-le-peuple-a-toujours-raison.php

 

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