Saint-Jacques-Prévert, priez pour nous
Les religions sont à la mode. Daesh y contribue mais le phénomène est plus ancien. Notre civilisation les avaient mises à distance. Elle vivait avec elles en bon voisinage, on se saluait, mais on ne s’invitait pas à diner. Les choses ont changé depuis l’arrivée massive en Europe de populations qui étaient bien moins avancées dans la courbe de la mise à distance. Par effet de retour, les religions de tradition européenne sont, elles même revenues dans le débat. Un bon exemple de ce « retour du religieux » est la trajectoire de Régis Debray. Jadis sémillant guérillero, puis conseiller de François (le vrai, pas le petit), puis médiologiste de profession (ayant inventé la discipline et la profession), voilà que depuis dix ans, il se pique de religion. Ses textes profonds et intelligents quand il traite de laïcité, deviennent beaucoup moins intéressants quand il parle de Dieu. C’est qu’en fait, il n’en parle pas mais commente les aventures d’un personnage de fiction inventé par la Bible et repris par d’autres textes comme Lancelot eut une vie après la mort de son créateur Chrétien de Troyes et fut doté de nouvelles aventures pendant des siècles. Cette vision littéraire de dieu, son fils, ses rebonds et ses succédanés, est très amusante mais elle ne même pas loin.
Qu’un esprit brillant comme Régis Debray se perde en traitant ce sujet, c’est-à-dire qu’il ne parvienne pas à dire quoique ce soit de profond, d'éclairant (se contentant de musarder, de flâner, se laissant aller au commentaire futile) ne doit pas laisser indifférent. C’est un signal d’alarme. En effet, même pour un athée convaincu comme Debray, dieu n’est pas un personnage de fiction comme les autres, il porte en lui une part sombre et violente, il porte en lui une part irrationnelle dont le rejet est la base de notre civilisation des lumières.
Nier nos racines chrétiennes, pour nous européens, pour nous français, est absurde. Il suffit de se promener dans nos villes, nos villages, notre littérature, il suffit d’avoir un peu d’attention à l’origine des citations que nous utilisons communément, il suffit d’aller voir notre peinture, notre sculpture, d’assister à des concerts pour comprendre que nous sommes profondément des judéo-chrétiens.
Mais ne pas faire la différence entre la civilisation européenne du XIIe siècle et celle qui a émergé à partir du XVIIIe serait une autre erreur grave. Un changement de civilisation s’est produit au XVIIIe siècle. Dieu a quitté l’esprit des grands penseurs. Il est omniprésent chez Descartes et Pascal, il n’a aucune part dans la pensée de Montesquieu, Diderot ou d’Alembert. Le rationnel a remplacé le religieux. En France le passage entre les deux plaques tectoniques ne se fit pas sans frottements terribles. Ailleurs cela s’est fait avec moins de violence et selon des temporalités propres à chaque zone suivant son histoire et sa géographie. Mais au final cette de-déisation de la société européenne s’est produite partout. En Europe on se passe de dieu pour penser. A part ceux qui en font profession, la morale, l’éthique se passent de dieu.
Qu’elles promeuvent la laïcité ou pas, est en fait un détail, nos civilisations européennes sont structurellement athées (sans pour autant que les peuples, les penseurs, les dirigeants le soient eux-mêmes). Dieu n’entre plus en ligne de compte ni pour la marche de l’état , ni pour la rédaction des lois, ni pour leur application.
C’est la raison pour laquelle, lorsqu’un politique va sur ce terrain, il prend de grands risques. Quand il commence à discuter sur le fait que l’islamisme est une dérive perverse de la religion dont il se réclame ou s’il en est au contraire une tendance naturelle, il va dans un domaine qui n’est pas le sien. En tant qu’il est par nature terroriste, factieux, séditieux ou les trois à la fois, l’islamisme doit être combattu jusqu’à l’anéantissement comme l’a été le nazisme, et sa base arrière, quelle que soit sa surface, doit être détruite avec lui, qu’elles comprennent de simples séditieux « non-violents» ne doit pas l’arrêter, l’islamisme est comme la peste, détruire les rats est une nécessité mais il faut également détruire les germes, faute de quoi la résurgence sera perpétuelle. Et cela doit suffire au politique en matière d’analyse religieuse de ce mouvement !
Aujourd’hui les drames que nous vivons semaines après semaines, mettent notre pensée en tension. Après la lucidité qui est son premier devoir (et la clarté du langage qui en est une conséquence chez l’honnête homme, tout à l’opposé des euphémismes qu’on nous sert ad nauseam), le politique devrait veiller à rester calme, à tenir sa pensée à l’égard des extrêmes, à rester philosophe et surtout à ne pas exprimer les premières bêtises qu’on lui souffle.
Des voix criardes et dysharmoniques nous proposent finalement, le retour à une logique concordataire, vielle de deux siècles. Monsieur Apparu (porte-parole d’Alain Juppé, tout de même !) veut créer un « consistoire » pour la communauté musulmane (sur le modèle de ce que Napoléon a fait pour la communauté juive en 1807), monsieur Copé, dont toute la carrière est une ode cum figuris à l’honnêteté, la lucidité et au désintéressement, veut lui « un concordat », quant à monsieur Darmarin (maire de Tourcoing) il souhaite lui la nomination d’un ministre des cultes et, parmi d’autres propositions toutes aussi réfléchies, la création de mosquées aux frais des contribuables! De grâce messieurs, calmez-vous !
On appréciera au passage, l’humour, involontaire mais féroce de monsieur Darmarin. Il serait en effet particulièrement savoureux que l’assassinat par un musulman d’un prêtre dans son église, au pied de son autel, se voit récompensé par le financement d’une mosquée. Le vice récompensé par la politique : quel beau sujet pour un futur prix de Rome !
Plus que jamais nous devons nous en tenir à cette apostrophe de Prévert : Notre Père qui êtes aux cieux, restez-y !
Ce n’est pas le souci ni la tâche du politique de comprendre ni d’organiser le religieux. Le politique doit assurer l’ordre, la sécurité dans la cité, en d’autres termes : la paix civile. Rappelons que les églises sont, pour la république, des associations, rien de plus. Elles se doivent de respecter les lois et en particulier éviter de devenir des sectes, qui elles ne sont pas autorisées. Le politique ne doit pas aller au-delà.
Plutôt que de les « organiser », le meilleur service que la république puisse rendre aux musulmans de France c’est de veiller à sanctionner avec fermeté toutes les dérives auxquelles s’abandonnent certains d’entre eux. Il faut faire respecter la loi, toute la loi, rien que la loi. Toute école, association, mosquée qui montre le moindre signe de sédition, la moindre empathie avec le terrorisme, doit être fermée, ses biens confisqués, ses dirigeants bannis ou emprisonnés. La moindre publication obscurantiste, le moindre discours anti-occidental, antirationnel, foncièrement misogyne (rappelons-nous les considérations débiles de cet imam débile sur la taille du cerveau des femmes : eh bien il est toujours en France, ce charmant garçon), la polygamie, toutes ces dérives antirépublicaine doivent être traquée, combattue et réduite à néant.
Ne vous en faites pas, ce discours qui est celui de la République, celui de la force et du droit, sera très bien compris de nos adversaires. Ce n’est pas en discutant avec de sympathiques imams qui expliquent qu’ils sont choqués et horrifiés ou pire qui comptent les âmes des terroristes parmi les victimes (Réplique, France-Culture, émission faisant suite à « Charlie » : « 20 âmes ont quitté la terre », soit dix-sept victimes et trois assassins), et ce n’est pas non-plus en discutant avec des religieux chrétiens appelant au pardon et ratiocinant sur le fait que c’est « une guerre mais pas une guerre de religion » que les choses se règleront mais en articulant la force et le droit.
Face à une France des Lumières, qui ne s’en laisse pas compter, nos adversaires comprendront que ce qu’ils ont de mieux à faire c’est d’abandonner leurs idées rétrogrades et dégénérées ou d’aller les pratiquer ailleurs.
Et nous, nous resterons en France qui est si jolie et nous serons à nouveau :
Heureux comme Dieu en France.