Peuple-Héros

Publié le par Jean Dampierre

Peuple-Héros

« Nous sommes faits pour être un grand peuple, même quand nous nous renions nous même » écrivait Charles de Gaule dans une lettre datée du 17 Juillet 1956, au creux de la vague donc.

Cette affirmation confiante d’un homme qui avait une profonde connaissance de l’histoire de son pays, formée par Lavisse, Michelet et les grands historiens de l’école française du XIXe siècle, et qui avait par son expérience personnelle, touché l’abîme, perçu directement, ces moments où son pays s’était renié doit nous éclairer dans ces moments de ténèbres. C’est un message d’espoir pour un grand peuple qui a un grand destin et qui vit de grandes épreuves.

Plus loin dans le même texte, il continue : « c’est l’Etat qui fait la France […] l’absence d’Etat défait la France ». Sur le fond il pense même que c’est la France qui fait les Français. A Malraux peu avant son retour au pouvoir, il dit « Napoléon a fait le 18 Brumaire parce que la France l’exigeait ».

Les Français, l’Etat, la France. Un ménage à trois instable par nature et la certitude corroborée tant par sa science historique que par tout son parcours personnels et les événements qui l’ont fait autant qu’il a participé à les construire que « l’absence d’Etat défait la France ».

Que voyons-nous aujourd’hui si ce n’est l’illustration de ce principe qu’on pourrait reformuler ainsi : la déliquescence de l’Etat, provoquée par la déliquescence du politique défait la France. Nous avons des fonctionnaires à foison, nous avons un personnel politique pléthorique, nous avons des lois, des administrations, des règlements, mais avons-nous encore un Etat ? l’Etat n’est-il pas le grand absent, remplacés par les bavards gouvernants, les bavards opposants, et les myriades d’agents désorganisés.

Franchement, une petite escouade de sous-nazis aurait-elle réussi à venir nous tuer 240 hommes et femmes, à nous faire sortir de nous même si elle ne bénéficiait pas de ce vide sidéral laissé par la déliquescence de l’Etat et cette classe politique de fête paroissiale. Et la présence de quelques chefs dignes de ce nom, n’eût elle suffit à les réduire à néant ?

Et ne nous trompons pas, Daesh renvoyé dans les poubelles de l’histoire, nous avons bien d’autres problèmes à résoudre avant d’être à nouveau à la hauteur de notre destin. Notre budget au bord du dépôt de bilan, notre économie à repenser, notre industrie à reconstruire, notre recherche, notre système éducatif. Nous avons à rattraper 30 ou 40 ans de mauvais gouvernement, de lâcheté, d’incompétence, d’immobilisme.

Et pourtant… nous avons des ferments d’espoir. Nous ne sommes pas pour rien le peuple de Carnot et de Clémenceau. Ecoutez plutôt :

Le brouillard se lève à une heure. Le soleil montre aux Autrichiens une masse énorme d'infanterie en bas. Un cri immense éclate : Vive la République ! Trois colonnes montaient.

Elles montent. Et de l'escarpement, les décharges les retardent. Elles montent, mais de leurs flancs, ouverts et fermés tour à tour, sortait la foudre ; chaque colonne avait sa pièce d'artillerie volante.

Rien ne charmait plus nos soldats. Ils ont toujours été amoureux de l'artillerie. Les canons étaient adorés. A la vigueur rapide dont ils étaient servis, à la mobilité parfaite dont les bataillons les facilitaient en s'ouvrant et se refermant, on eût pu reconnaître déjà non-seulement le peuple héros, mais le peuple militaire.

(Michelet, Histoire de la Révolution Française, Livre XIII).

Peuple héros, tel est le mot. Incroyable trouvaille et tellement juste. Le héros n’est plus un homme remarquable par son courage, son endurance, sa détermination ou par ses capacités extraordinaires, il n’est même pas cet homme que l’impossible trouve prêt selon l’expression magnifique de Ernst Junger, le héros c’est le peuple lui-même.

C’est l’infirmière qui tient la main du patient ou qui sanglote dignement à la mort d’un vieil homme, c’est l’instituteur qui se bat contre les programmes, contre les insultes, contre la délinquance, et sauve envers et contre tout deux ou trois de ses élèves, c’est l’hôtesse d’Air France qui défend sa compagnie, sourit et trouve la force de répondre gentiment aux clients excédés par les grèves, c’est le petit entrepreneur, parti de rien, et créant des emplois malgré toutes les embuches de l’administration, c’est l’agriculteur qui tient sa terre malgré la grande distribution, c’est le communiquant qui pour six mois arrête de vendre des boissons gazeuses pour se consacrer à une cause, c’est les niçois qui ne se sont pas égayés dans la nuit mais se sont occupés des blessés et sont allés donner leur sang en masse, c’est un prêtre assassiné, un policier qui tire juste, un para mort à Syrte… le Peuple-Héros !

L’Etat est absent, le Politique est indigne, la France titube mais le Peuple-Héros tient bon et il mérite qu’on se batte avec lui et pour lui.

Publié dans Histoire-Politique

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