Abolition des privilèges , suite et fin.
Hier nous parlions d’alléger le nombre de ministères et de secrétariats d’Etat et de rendre ainsi au marché (sous forme de location de 49 ans renouvelable ou de 98 ans non renouvelable) les hôtels particuliers qu’ils occupent (les oeuvres d'art qu'ils contiennent étant, bien entendu, envoyées dans les musées). De façon générale, la France est avec l’Italie (qui l’a imitée en fait) le seul pays qui loge ses ministres et leurs équipes comme des princes. Sur le fond ce n’est pas des plus efficaces, c’est même assez peu productif. Pourquoi ne pas faire ce travail de bureau dans des immeubles de bureaux. Poser la question c’est y répondre. La colonisation du faubourg Saint-Germain par les ministères s’est faite tout au long des deux derniers siècles. Elle a fait suite à la révolution et aux différents mouvements révolutionnaires du XIXe siècle et c’est comme si plus la nation s’éloignait de l’ancien régime, plus les nouveaux maître de l’Etat en voulait investir les lieux de pouvoir ou de résidence. A tel point qu’après la guerre il n’était plus envisageable que le moindre secrétariat d’Etat fût installé ailleurs que dans un palais (que nous nommons hôtel mais que les italiens nomment Palazzo) du XVIIe ou du XVIIIe.
Supprimer des ministères remettra donc des hôtels somptueux et leurs jardins sur « le marché ». Qu’en faire ? D’abord, rappelons un principe simple, il n’est pas question de les dégrader, ni leur architecture, ni leur décor lorsqu’il est préservé, ni leurs jardins. Nous avons fait assez d’erreurs comme cela, tout au long des deux derniers siècles et jusque dans les années 70. Considérant le respect qui est dû à ces bâtiments magnifiques et pour certains historiques ils peuvent devenir, sous formes de concession de 49 ou 98 ans, soit des hôtels de luxe, et ils placeront à eux seuls Paris au sommet des destinations de la clientèle internationale fortunée , soit des lieux d’exposition ou de réunions pour de grandes fondations culturelles françaises ou étrangères, soit des lieux de résidences pour de grandes fortunes à la condition expresse que les locataires y résident plus de 150 jours par an. Cette condition de durée de résidence peut paraître un détail, elle est nécessaire pour éviter une dérive bien connu : le VIIe arrondissement devient progressivement un désert du fait des investissements immobiliers étrangers, ces propriétaires d’un genre nouveau, ne résidant pas plus de 15 jours par an dans « leur appartement ». Ces hôtels et ces palais privés rendraient au quartier et à la capitale en générale un lustre incomparable.
Que faire des ministères et des secrétariats d’Etat conservés ? La même chose quand c’est possible: déménager le personnel dans un immeuble de bureau, à la Défense ou Nanterre, rendre au marché parisien les locaux de prestige.
Reste à savoir ce que devienne les deux joyaux de la couronne : Matignon et l’Elysée. Eh bien la même chose une fois encore. Le premier ministre peut trouver à se loger facilement, lui et ses services à Bercy (qui sera par ailleurs allégé de beaucoup de ses employés), le président de la République pourra bien trouver un immeuble proche de Balard (PC des armées) qui l’accueillera lui et sa centaine de collaborateurs. Il n’a que faire de loger dans l’ancien palais de madame de Pompadour. S’il faut faire un diner d’Etat et impressionner la Galerie, l’Hôtel de la Marine est parfait pour ça, et c’est le seul palais de l'ancien régime qui ait gardé intact son décor (c’est l’ancien hôtel du garde meuble de la couronne) et Versailles n’est pas loin. Mais pour la vie de tous les jours, il n’est vraiment pas utile que le président vive chez la marquise, la révolution est terminée depuis plus de deux siècles il est inutile de singer les anciens maîtres.
L’Elysée deviendra l’hôtel le plus prestigieux du monde. Les rappeurs, les chanteuses, les milliardaires russes, les magnats chinois ou coréens feront la queue pour y résider, et dépenseront leur argent dans les magasins de la rue Saint-Honoré, pendant ce temps-là, le président lui travaillera pour la France.