les combats inutiles
Le 22 Février 1943, 3 membres du groupe La Rose Blanche (Hans Scholl, Sophie Scholl et Christoph Probst), étaient guillotinés dans une cour de la prison de Stadelheim après un procès qui n’avait duré que 3 heures. 4 mois plus tard, 3 autres membres (Willi Graf, Kurt Huber et Alexander Schmorell) étaient également décapités au même endroit. En tout 16 membres du réseau perdirent la vie. La sœur de Willi Graf, a consacré sa vie à entretenir cette mémoire et à faire connaître l’action et les motifs de ce groupe. Elle dit très justement dans l’une de ses conférences[1] : « tu es concerné par tout ce qui arrive ».
Ce mouvement ce n’était pas Manouchian et ses hommes, ce n’était pas la glorieuse FTP MOI, les francs-tireurs et partisans de la main d’œuvre immigrée, les Rajman, Wajbrot, Golberg ou Alfonso et 20 autres. Ils ne tuaient pas à la balle et au couteau (comme dit le chant des partisans). En tout, ils avaient réussi à écrire, imprimer et distribuer six malheureux tracts, et en distribuant le dernier, un simple appariteur avait arrêté deux d’entre eux. Un mouvement de résistance sans violence et apparemment sans effet, 6 tracts en tout et pour tout.
Mais dans le second il y avait ces mots : « Depuis la mainmise sur la Pologne, trois cent mille Juifs de ce pays ont été abattus comme des bêtes. C'est là le crime le plus abominable perpétré contre la dignité humaine, et aucun autre dans l'Histoire ne saurait lui être comparé ». Ces mots disaient l’importance et l’horreur de ce qui était en train de se produire et ils réduisent à eux-seuls le mythe du « peuple qui ne savait pas ».
Et dans le cinquième il y avait ce passage : « Prouvez par l'action que vous pensez autrement ! Déchirez le manteau d'indifférence dont vous avez recouvert votre cœur ! », cet appel à se sentir concerné par ce qui arrive, cet appel à la conscience des allemands.
Alors même si la Rose Blanche n’a fait dérailler aucun train, même s’il n’y a eu aucun effet sur la Wehrmacht, même si elle n’a sauvé aucun juif, même si elle ne communiqua aux alliés l’emplacement d’aucun V2, elle eut pour infinie valeur de prouver que même là, même au cœur de l’empire du mal, il y avait encore des hommes qui n’abandonnaient pas leur humanité, des hommes animés d’un vrai courage et porteurs d’une vraie espérance.
Je ne fais pas miens les propos du président Mitterrand prononcés à Berlin en 1993 et faisant l’éloge du courage des soldats allemands de 1945. Je n’appelle pas courage le fait de se sacrifier pour permettre à un régime de tuer quelques milliers de juifs de plus, de fusiller quelques centaines de résistants de plus, j’appelle ça du fanatisme. Le courage est une vertu trop haute pour qu’on puisse la détacher des fins pour lesquelles elle combat. Ce n’est pas un sport le courage, ce n’est pas un exercice gratuit, cela engage tout l’homme. Mais ceux qui déposèrent des tracts à Munich, ceux-là sont dignes du mot courage.
Le combat de la Rose Blanche était vain, apparemment inutile, perdu d’avance. A cela il faut ajouter que les membres du réseau en avaient parfaitement conscience. Mais si l’Europe put se construire et si l’Allemagne put réintégrer le genre humain, c’est bien grâce à des gens comme eux.
Beaucoup moins tragique, mais tout aussi vain en apparence, est le combat des candidats citoyens qui vont vers nulle part avec leurs idées que personne n’écoute, et ne peuvent prétendre qu’à la gloire éphémère du ridicule. Néanmoins, ce qu’ils ont dit ou écrit sera peut-être utile à d’autres : la politique doit redevenir un service pour le peuple, elle ne doit être ni une carrière ni une voie d’enrichissement personnel, l’état ne doit plus dépenser plus qu’il ne reçoit des citoyens, il doit se désendetter et s’ajuster pour se remettre au service de la nation, l’économie doit être le moteur de la richesse nationale, pour cela elle doit être libre et pas être saignée à blanc par l’état, la loi de la République doit s’appliquer partout, à tous et de la même façon, il ne doit plus y avoir de zones de non droit, de groupes humains sacrifiés aux prédateurs ou de territoire abandonnés par la république.
[1] Cité par la revue Autrement : http://www.autrement.com/ouvrage/resister-gerald-cahen